La communauté jaïne de Suisse a été créée en 2007 par cinq familles de Genève désirant pratiquer davantage leur religion et surtout la transmettre à leurs enfants. Des rassemblements étaient déjà organisés occasionnellement au domicile de M. Raj Bhandari qui accueillait les religieuses et religieux jaïn-e-s de passage dans la ville. Lorsque ce dernier choisit de partager son lieu de résidence entre l’Inde et la Suisse, les familles jaïnes de Genève se décidèrent à former un groupe pour prendre son relai et par la même occasion se montrer plus actifs et plus visibles. Des amis de Lausanne, Zurich et Berne se joignirent peu à peu au groupe qui rassemble désormais des jaïns de toute la Suisse, en majorité de Suisse Romande.
Sources :
Membres du groupe.
La communauté n’a pas à proprement parler de lieu de culte. Elle se réunit rue de la Dôle et en France voisine, au domicile de deux de ses membres.
La communauté Swissjains regroupe 25 à 30 familles. Elles se retrouvent six à sept fois par année pour les fêtes* et des rencontres. Ces dernières ont pour vocation de permettre aux membres de la communauté de s’aider mutuellement à approfondir leur compréhension du jaïnisme en l’absence de responsable religieux. Une fois par an, des nones (samanijis) font le voyage de Londres à Genève, Zurich et Berne, pour les soutenir dans cette démarche. Elles organisent des enseignements, des sessions de yoga et des discussions. Ces activités sont ouvertes à tous, jaïns et non jaïns.
* Les fêtes jaïnes sont au nombre de 4 : Divali, qui célèbre l’accession au nirvana de Mahavira (novembre), Mahāvīra Jayanti qui commémore la naissance de Mahavira (avril), Akshatriya-Tritiya, la fête de l’aumône (mai), et paryushana-parva, qui est une période de jeûne de 9 jours débouchant sur la confession des fautes.
Les jaïns considèrent que leur religion a toujours existé et qu’elle est périodiquement revivifiée par des personnages saints qu’ils nomment jina (« vainqueurs », sous-entendu du cycle des renaissances) ou Tirthankara (en sanskrit « celui qui prépare le passage », le « faiseur de gué »). Il y aurait eu jusqu’à présent 24 Tirthankara. Les deux derniers, Pārśva et Mahāvīra (littéralement « le grand héro »), sont les seuls attestés historiquement. Les sources ne permettent cependant pas de retracer leur vie avec précision. Les chercheurs s’accordent à dire que Pārśva vécut au 8e ou 9e siècle avant notre ère en Inde. Selon la tradition jaïne, il était le fils du roi de Bénarès et aurait quitté sa famille à l’âge de 30 ans pour devenir un ascète*. Il aurait atteint rapidement l’illumination et consacré le reste de sa vie à enseigner la vérité qu’il avait découverte : les causes du cycle des renaissances et le chemin pour en sortir. Ses nombreux disciples auraient fondé un ordre monastique que Mahāvīra, le dernier Tirthankara, aurait rejoint quelque 250 ans plus tard après avoir lui aussi renoncé à une vie privilégiée. Insatisfait, il aurait repris la route pour mener une vie d’errance solitaire d’une extrême rigueur et atteint la connaissance parfaite par ses propres moyens quelques années plus tard. Il aurait alors décidé de revivifier l’enseignement de Pārśva en prêchant dans tout le pays.
Ce que l’on peut affirmer historiquement c’est que Mahāvīra rassembla une communauté de fidèles pratiquant une ascèse stricte visant au détachement, à la purification mentale et in fine à la libération du cycle des renaissances. On sait aussi que Mahāvīra organisa cette communauté en quatre grands groupes, les moines, les nones, les laïques masculins et féminins, et que chaque groupe était dirigé par des chefs (les gaṇadharas). Certains d’entre eux prirent la direction de la communauté après la mort de Mahâvîra. Aux 5e et 4e siècles, sous les dynasties Nanda et Maurya, le jaïnisme s’étendit peu à peu du royaume du Magadha (à l’est de l’Inde) à tout le sous-continent.
Au début de notre ère, à une date inconnue, la communauté se scinda en deux grands groupes suite à des désaccords sur la règle monastique : les svetambaras, qui portent des vêtements blancs, et les digambaras, qui vivent nus (un choix lié au vœu que font les moines de ne rien posséder). Par cette rêgle, les digambaras privaient les nones, non autorisées à pratiquer la nudité, de la délivrance dans cette vie. A partir du 15e siècle et jusqu’à aujourd’hui, ces deux groupes ont connu des divisions internes autour notamment de la nécessité ou non des cultes dans les temples ou du culte des images. Il existe de ce fait différents sous-groupes au sein de ces traditions.
Mahāvīra est généralement reconnu comme un contemporain du Bouddha historique. Ils auraient vécu tous deux au 6e siècle avant notre ère en Inde. Le fond de leur doctrine est proche : la croyance en une succession infinie de renaissances (samsara) conditionnées par le karma*, lui-même créé par l’ignorance des vérités spirituelles[1]. Mais ils diffèrent quant au chemin à prendre pour se libérer du samsara. Le Bouddha prêcha une voie bannissant les comportements extrêmes dans la recherche spirituelle, Mahāvīra valorisa le chemin de l’ascèse, avec ses jeûnes et ses austérités.
Pour tout membre de la communauté jaïne, religieux ou laïque, la connaissance spirituelle, un comportement et une foi « justes », c’est-à-dire en accord avec les enseignements jains, mènent à la libération. Mais renoncer au monde pour devenir moine ou none permet d’y parvenir plus rapidement. Les laïques ne pouvant atteindre la libération dans cette vie, s’efforcent, par une conduite exemplaire, de favoriser une renaissance dans ce qui est considéré comme une bonne destinée (quatre voies de destinées s’offrent aux hommes dans la pensée jaïne : humaine, divine, animale et infernale).
Ce chemin est jalonné de 14 étapes allant de l’ignorance spirituelle à l’omniscience et à la conduite parfaite. Le temps, perçu comme cyclique, fait alterner des périodes propices et non-propices pour se libérer du cycle des renaissances. Les meilleures périodes étant celles où un Tirthankara guide les hommes avec ses enseignements.
Dans la pensée jaïne, il n’existe pas de dieu créateur : l’univers et tout ce qui s’y trouve est éternel, n’a pas été créé et ne peut être détruit.
Les moines et nones sont soumis à cinq vœux (vrata) : le respect absolu de toute forme de vie (ahimsa, la « non-violence »), qui conduit certains d’entre eux à balayer leur chemin et à porter un linge devant la bouche pour ne nuire à aucun être vivant, l’honnêteté (satya), c’est-à-dire le fait de toujours dire la vérité sans être blessant, l’engagement de ne pas voler (asteya), la chasteté (brahmacharya), l’absence de possession (aparigraha). Les laïques ne sont tenus qu’aux trois premiers vœux.
Les textes faisant autorité au sein du jaïnisme sont des textes réputés contenir les enseignements de Mahâvîra (ce sont les Agham et les Pûrva), transmis d’abord oralement puis mis par écrit, et des enseignements de ses successeurs à la tête de la communauté (les Aṅgabâhya). Les recueils de ces textes diffèrent en partie dans les traditions svetambaras et digambaras.
Indications bibliographiques :
DUNDAS, Paul, The Jains, Routledge, 2002 (1ère ed. 1992)
GLASENAPP, Helmuth Von (1999), Jainism: An Indian Religion of Salvation, Lala S.L. Jain research series, Motilal Banarsidass publishers, 1999.
LONG, Jeffery D., Jainism : an introduction, I.B. Tauris, 2009.
WILEY, Kristi L., The A to Z of Jainism, Scarecrow Press, 2009.
WILEY, Kristi L, Historical dictionary of jainism, Historical Dictionaries of religions, Philosophies, and Mouvements, n°53, The Scarecrow Press, 2004.
[1] C’est un fond de croyances partagé par toutes les traditions religieuses indiennes à cette époque.