Le premier missionnaire scalabrinien arrive à Genève en 1939 à la demande d’un prêtre de la mission catholique italienne de la ville. Celle-ci a été créée en 1900 sous l’impulsion de Geremia Bonomelli, évêque de Cremone (Italie) et fondateur de l’Œuvre éponyme d’assistance spirituelle aux travailleurs italiens émigrés (1899) en Europe. C’est la suppression de l’Œuvre par le Saint-Siège en 1927 qui conduit le prêtre genevois Don Dosio à solliciter l’aide d’un missionnaire appartenant à l’ordre des Scalabriniens dont la vocation est le travail pastoral auprès des migrants italiens (et depuis 1972, auprès de tous les migrants catholiques).
En 1991, la communauté scalabrinienne genevoise s’agrandit lorsque le diocèse confie à la congrégation la charge pastorale de la communauté catholique de langue portugaise (née 20 ans plus tôt et se réunissant à l’église Sainte-Clotilde).
En 2001, la congrégation étend sa tâche aux migrants hispanophones de confession catholique en prenant le relais des dominicains (venus d’Espagne en 1978 pour servir cette communauté).
Sources :
I Cent’anni della missione cattolica italiana di Ginebra, 1900-2000, Memorie Immagini Riflessioni, Ginebra, 2000.
Annuaire des frères Prêcheurs (Dominicains) en Suisse.
Les missionnaires Scalabriniens vivant à Genève officient dans trois églises : Sainte-Clotilde, Sainte-Marguerite et le Sacré-Cœur.
L’église catholique Sainte-Marguerite se situe aux Eaux-Vives, au 15 rue de la Mairie. Elle a été construite entre 1983 et 1986 à la place de l’ancienne chapelle de la mission italienne. Sa forme arrondie et son toit conique évoquent les contours d’une tente nomade, symbole des pérégrinations des migrants italiens qui y ont leur paroisse depuis 1902 (la création de la mission italienne à Genève remonte à 1900). Derrière l’autel, une fresque de la fuite en Egypte fait également écho à leur condition.
L’église catholique du Sacré-Cœur est un ancien temple franc-maçon construit entre 1858 et 1860 aux abords de la plaine de Plainpalais. Vendu en 1868, il devient une brasserie et abrite dès lors la section genevoise de l’Internationale ouvrière. Il est finalement racheté en 1873 par les catholiques chassés de l’église Saint-Germain au plus fort du Kulturkampf. Le bâtiment est depuis consacré au « Sacré-Cœur ». Dans le vocabulaire catholique, le « Sacré-Cœur » désigne le cœur de Jésus. Il est le symbole de son amour pour les hommes. Il est célébré lors d’une messe, tous les premiers vendredis du mois, par les paroisses francophone et hispanophone qui se partagent le lieu.
A la jonction, l’église catholique Sainte-Clotilde a remplacé l’ancien hangar à charbon, situé à l’angle de la rue David Dufour et du boulevard Saint-Georges. Celui-ci servait de lieu de culte à la paroisse depuis 1911 et était devenu trop petit. Construite entre 1963 et 1965 à quelques encablures de là, au numéro 14 de l’avenue Sainte-Clotilde, l’édifice doit son caractère singulier à un clocher indépendant du bâtiment et à une enveloppe alliant béton et verre profilé de caractère industriel.
La congrégation des Scalabriniens compte huit missionnaires à Genève. Ils ont la charge de trois paroisses : les paroisses catholiques de langues italienne, espagnole et portugaise. Ces paroisses se distinguent des paroisses traditionnelles en ce qu’elles regroupent des fidèles par affinité linguistique et non par zone géographique. On les appelle les « paroisses personnelles », elles rassemblent des catholiques de langue étrangère au sein d’un diocèse.
Certains de ces religieux vivent à l’étage de l’église du Sacré-Cœur, d’autres à la paroisse Sainte-Marguerite, d’autres encore à la rue de la Servette. Ils mangent ensemble le midi à l’église Sainte-Marguerite, lieu de culte de la paroisse catholique de langue italienne, et officient le reste du temps chacun dans leur paroisse respective (à l’église Sainte-Clotilde pour les trois prêtres en charge de la communauté lusophone, à l’église du Sacré-Cœur pour les deux prêtres qui s’occupent de la communauté hispanophone, et à l’église Sainte-Marguerite pour les trois prêtres de la communauté italophone).
La langue commune au sein de la congrégation est l’italien.
Dès le milieu du 19e siècle, l’Italie connait une vague d’émigrations sans précédent. Les difficultés économiques conduisent des milliers de familles sur les routes et les mers à destination des pays voisins et des Amériques où elles espèrent trouver du travail. Un évêque nommé Giovanni Battista Scalabrini s’émeut de leur sort : « Une vague de pensées tristes me faisait un nœud au cœur. Qui sait quel amas de disgrâces et de privations, pensais-je, leur fait paraître doux un pas si douloureux (…) combien de déceptions, combien de nouvelles douleurs l’avenir incertain leur prépare ? Combien, même s’ils trouvent le pain du corps, leur manquera celui de l’âme, non moins nécessaire que le premier, et ils perdront, en une vie matérielle, la foi de leur père ? (…) Face à cet état des choses si pitoyables, le rouge me monte au visage, je me sens humilié dans ma qualité de prêtre et d’Italien et je me demande : comment leur venir en aide ? »[1]. Giovanni Battista Scalabrini décide de s’engager dans l’aide aux migrants italiens et fonde en 1887 la congrégation des Missionnaires de Saint-Charles (dite aussi congrégation des Scalabriniens) pour leur offrir un soutien social et spirituel dans leur pays d’accueil. Il y ouvre aussi des écoles pour les aider à conserver leur culture et leur langue d’origine. Il sera dès lors surnommé le « père des migrants ». En 1895, la congrégation masculine trouva son pendant féminin : les Sœurs missionnaires de Saint-Charles. Dans les années 1970, la congrégation s’ouvrit à tous les migrants catholiques et Giovanni Battista Scalabrini fut béatifié en 1997.
[1] Scalabrini Giovanni Battista, L’émigration italienne en Amérique, 1887.
En plus des congrégations masculines et féminines, la famille scalabrinienne compte aussi un « Institut séculier de droit diocésain », les Missionnaires séculières scalabriniennes, qui œuvrent en Suisse, en Italie, en Allemagne, au Mexique et au Brésil auprès des migrants de toutes nationalités. Ce sont des laïques consacrées, c’est-à-dire qu’elles sont engagées dans la vie religieuse mais vivent cet engagement dans la société en travaillant dans les domaines propres à réaliser leur vocation. Dans les instituts séculiers, la vie en communauté ne s’impose pas et il n’y a pas de vœux publics. Les Missionnaires séculières scalabriniennes ont néanmoins choisi de vivre dans de petites communautés. Comme les frères et sœurs consacrés, elles ont fait vœux de pauvreté, chasteté et obéissance. Le charisme de ces religieux est d’être migrants parmi les migrants, et d’apporter à ces derniers un secours social et un soutien spirituel. Ils sont aidés dans cette tâche par le Mouvement des laïques Scalabriniens qui s’investissent auprès d’eux en parallèle à leur vie professionnelle et familiale.
Les Scalabriniens sont actuellement présents dans plus de 30 pays. En 2012, la congrégation comptait 690 religieux, 800 religieuses, et 50 missionnaires séculières (chiffres officiels de la Direction générale de la Congrégation des missionnaires scalabriniens et des sœurs scalabriniennes (Rome)).