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Histoire à Genève

Un premier groupe chiite se forme à Genève dans les années 1970. Il rassemble des personnes d’origine indo-pakistanaise travaillant dans les organisations internationales mais aussi dans une banque et une entreprise pakistanaises implantées dans le canton à cette époque. Ces personnes organisent alors des réunions aux domiciles des membres de leur communauté, comme le font aussi de leur côté, et de manière informelle, des chiites iraniens.

Dans les années 1980, un nombre important de réfugiés politiques de confession chiite fuient les conflits qui agitent le Moyen-Orient (la révolution iranienne de 1979, la guerre civile au Liban (1975-1990) et la répression de Sadam Hussein contre les chiites irakiens dans le contexte de la guerre Iran-Irak (1980-1988)) et arrivent en Suisse. Certains d’entre eux  forment un groupe à Lausanne en 1987 pour célébrer des prières et des fêtes. Puis ils rencontrent les chiites indo-pakistanais et décident de se rassembler en 1992. Ils créent alors une association suisse établie à Berne. Les années qui suivent voient la création de centres locaux à Genève (1995), Zurich (1995), Lausanne (1996) et La Chaux-de-fonds (1996), créations qui conduisent en 1998 à transformer l’association suisse en associations locales indépendantes.

A Genève, la communauté a occupé différentes adresses : un sous-sol aménagé à la rue de Lyon puis un premier bureau de trois pièces et demie au numéro 6 de la route des Acacias, avant d’emménager en 2000, dans un bureau un peu plus grand de quatre pièces et demie, situé dans le même immeuble.

 Sources : membres de la communauté

Lieu de culte

Le lieu de culte de la communauté chiite Ahl -El-Bayt de Genève est un local de 135m2 situé au troisième étage d’un immeuble d’habitation comportant trois niveaux dédiés à des bureaux. Passé le pas de la porte, il faut se déchausser pour découvrir ce lieu couvert de tapis. Le centre chiite est composé d’une bibliothèque, d’une salle de prière pour les hommes, d’une autre pour les femmes, et d’une salle de cours. Aux murs, une photo du mausolée de l’imâm Hussein (Kerbala, Irak), une tenture évoquant son martyre (le cheval percé de flèches, son sabre et sa main blessée évoquent la bataille de Kerbalâ’) et un tapis représentant la Mecque concourent à dessiner l’identité chiite.

Activités

La communauté chiite Ahl -El-Bayt de Genève est une communauté multiculturelle rassemblant des Iraniens, des Libanais, des Irakiens, des Suisses, des Français, des Indiens, des Pakistanais et des Afghans. On s’y exprime donc en différentes langues, du français à l’arabe, du farsi à l’urdu, en passant par l’anglais.

L’association de quelque 120 membres et sympathisants est fréquentée régulièrement par environ 500 personnes (chiffres communiqués par la communauté). Celles-ci se retrouvent régulièrement pour célébrer les nombreuses fêtes du calendrier chiite, pour les mariages ou pour des prières. Les enfants ont aussi leur rendez-vous le week-end où ils reçoivent des cours d’éducation religieuse, d’arabe et de culture islamique. La communauté compte un groupe d’activité dédié aux femmes et un autre aux jeunes.

Elle est membre de l’UOMG (Union des Organisations Musulmanes de Genève) et de la Plateforme interreligieuse.

Le chiisme

Les divisions au sein de l’islam remontent à la mort du prophète Muhammad, en 632, et aux difficultés qui entourèrent sa succession. Celui-ci n’ayant laissé ni enfant mâle ni testament, les différentes tribus qui composaient la toute jeune communauté musulmane durent s’entendre pour désigner un nouveau chef, un « khalîfa », littéralement un « successeur » (on parle aussi d’« imāms», guide). Le premier d’entre eux, Abû Bakr, fut choisi dans la tribu des Quraych, celle du prophète. ‘Ali, cousin de Muhammad et époux de sa fille Fatima, s’estima lésé et contesta la décision, affirmant que Muhammad l’avait désigné comme son successeur. Un groupe de compagnons le soutinrent et formèrent la chî‘at ‘Alî, le groupe des partisans de ‘Ali. Ils acceptèrent finalement la nomination d’Abū Bakr mais celui-ci nomma avant de mourir, ‘Umar pour successeur. Quand le moment fut venu, ce dernier réunit un conseil pour élire le prochain calife et ‘Ali fut une fois de plus écarté au profit cette fois de ‘Uthmān. La manière de gouverner d’‘Uthmān suscita des dissensions et des mécontentements qui conduisirent à son assassinat en 656. Les partisans de ‘Ali le proclamèrent alors calife. A la bataille de Siffīn, ce dernier dut affronter Mu‘āwiya, gouverneur de Damas et parent de ‘Uthmān. Il en résulta la décision d’établir un arbitrage à partir du Coran, arbitrage qui se fit en la défaveur de ‘Ali, trahi par son représentant. S’opposèrent alors deux camps : celui de Mu‘āwiya, pour qui le calife devait être élu ou choisi dans la tribu des Quraych et celui de ‘Ali pour qui le califat devait revenir aux descendants du prophète, les « gens de la maison » (« ahl el-beit » en arabe). Un troisième camp se dégagea de ces conflits : les khārijites, des partisans de ‘Ali qui avaient refusé l’arbitrage estimant qu’il revenait à Dieu de décider de l’issue de la bataille. Ces luttes initialement politiques conduisirent à la formation de groupes distincts qui développèrent avec le temps des doctrines propres et se divisèrent en sous-groupes. Parmi les partisans de Mu‘awiya allait bientôt se former le sunnisme, parmi ceux de ‘Ali, le chiisme. Les khārijites allaient donner naissance aux ibâdites (présents aujourd’hui essentiellement à Oman et Zanzibar).

‘Ali fut assassiné en 661 par un khārijite. Son fils aîné, Hasan, signa un accord avec Mu‘awiya mais à la mort de ce dernier, le fils cadet de ‘Ali, Husayn, tenta de faire valoir son droit au pouvoir. Il fut défait à la bataille de Kerbalā’ (en Irak) et décapité. Son martyre est un événement fondateur pour les chiites qui le commémorent lors de la fête de ‘Āchūrā. Les trois principales branches du chiisme aujourd’hui sont le chiisme duodécimain (ainsi appelé car ils reconnaissent douze imams à la tête de la communauté après le prophète Muhammad), le chiisme ismaélien (ou septimain, car ils en reconnaissent sept) et le zaïdisme. Toutes s’accordent sur le fait que la direction spirituelle et temporelle de la communauté (l’imamat) revient aux descendants de Muhammad et de ‘Ali mais leurs divisions résultent des conflits qui ont entouré la succession des imâms à différentes époques.

Les chiites sont essentiellement présents en Iran, Irak, Liban, Pakistan, Inde et Afghanistan. Le chiisme duodécimain est la religion d’Etat en Iran.

La religiosité chiite

Les chiites et les sunnites partagent la croyance en un Dieu unique et en la révélation coranique faite à Muhammad. Ils divergent sur deux points essentiels : l’imamat et la justice divine (‘adl). Les chiites reconnaissent l’autorité religieuse de chefs spirituels et temporels, les imams, descendants du prophète et de son gendre ‘Ali. Ces imams sont considérés comme saints et infaillibles. Ils sont des intermédiaires entre Dieu et les hommes, venus éclairer et compléter la prophétie de Muhammad. Les hommes par ailleurs ont, pour les chiites, la responsabilité de leurs actes, lesquels seront soumis à la justice divine (pour les sunnites, les hommes ont leur part de libre arbitre mais il est limité par la prédestination).

Au sein du chiisme, il existe différentes branches qui doivent leurs divisions à des désaccords concernant la succession des imams et ont ensuite développé des spécificités théologiques.

Les chiites duodécimains reconnaissent l’autorité de douze imāms dont le dernier, Muhammad, aurait mystérieusement disparu en 874 à l’âge de cinq ans. Selon la doctrine, commença alors la période de « l’occultation » dite mineure durant laquelle l’imam, caché, dispensait des messages à la communauté par le biais d’intermédiaires. Puis il fit savoir que personne ne devait le remplacer. A la mort de son dernier émissaire, en 941, débuta l’occultation dite majeure. Dans la croyance des chiites duodécimains, celle-ci doit se terminer lorsque ce dernier imam, surnommé le Mahdi (le « bien guidé »), reviendra à la fin des temps pour instaurer la justice divine, après quoi aura lieu la fin du monde et le jugement dernier. Cette croyance existe aussi chez les chiites ismaéliens (ou septimains) qui attendent pour leur part le retour du septième imam.

Les chiites duodécimains partagent avec les sunnites la pratique des prières quotidiennes (et des ablutions rituelles avant la prière), de l’aumône, du jeûne du mois de Ramadan, et du pèlerinage à la Mecque mais selon des modalités légèrement différentes. Les cinq prières quotidiennes, par exemple, sont réparties à trois moments de la journée (le matin, entre l’aube et le lever du soleil, l’après-midi, entre midi et la fin de l’après-midi et le soir, entre le coucher du soleil et minuit). La prière collective du vendredi a moins d’importance que chez les sunnites car elle a perdu son caractère obligatoire après l’occultation (puisque l’imâm ne pouvait plus la diriger) mais en Iran, depuis la révolution de 1979, elle est tout aussi respectée que dans les milieux sunnites.

Les supplications (du‘a’), prières résumant les convictions religieuses, revêtent en revanche une grande importance. Au pèlerinage à la Mecque, s’ajoutent pour les chiites duodécimains, des pèlerinages sur les tombes des imams et des personnalités importantes du chiisme.

Les chiites possèdent leur propre recueil de hadîths, dont beaucoup sont communs aux hadîths sunnites. En revanche, ceux qui relatent les propos des imams leur sont propres.

 

Indications bibliographiques :

  • ALILI, Rochdy, Qu’est-ce que l’islam ?, La Découverte, 1996.
  • BEARMAN, Peri J., BIANQUIS, Thierry. Et alii (ed.), Encyclopédie de l’islam, Brill, 2011.
  • GOBILLOT, Geneviève, Les Chiites, Brepols, 1998.
  • ESPOSITO, John L. (ed.), The Oxford Dictionary of Islam, Oxford University Press, 2003.
  • ESPOSITO, John L. (ed.), The Oxford History of Islam, Oxford University Press, 1999.
  • HALM, Heinz, Le chiisme ; trad. de l’allemand par Hubert Hougue, Presses universitaires de France, 1995.
  • MERVIN, Sabrina, Histoire de l’islam, doctrines et fondements, Champs Université, Flammarion, 2000.
  • MERVIN, Sabrina (dir.), Les mondes chiites et l’Iran, Karthala, 2007.