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Histoire à Genève

Les premiers membres de l’Eglise d’Angleterre arrivent à Genève en 1555. Ce sont des Anglais acquis à la foi protestante et fuyant les persécutions engendrées par la tentative de Mary Tudor de ramener l’Église anglaise, arrachée à la juridiction de Rome par son père, au catholicisme. Le Petit Conseil met à leur disposition l’église Sainte-Marie-la-Neuve (aujourd’hui Auditoire Calvin) qu’ils partagent avec des réfugiés italiens. Les exilés anglais traduisent la Bible dans leur langue (The Geneva Bible – qui eut un rayonnement considérable) et plusieurs écrits de Calvin que l’imprimeur Rowland Hall diffusera ensuite en Angleterre. L’Église anglicane, d’abord influencée par les idées de Luther, le sera aussi par les idées calvinistes alors qu’elle fixe les bases de son identité propre sous Elisabeth 1re (1558-1603). Lorsque cette dernière accède au trône en 1558, elle rétablit le protestantisme comme religion d’Etat et la plupart des réfugiés anglais rentrent dans leur pays. Les échanges intellectuels avec Genève se maintiennent néanmoins, notamment à travers l’Académie de Calvin où les nobles anglais et écossais envoient leurs enfants.

Au milieu du 17e siècle, Genève accueille à nouveau des petits groupes d’Anglais qui demandent à s’installer et à célébrer des cultes dans leur langue. Cette autorisation leur ai accordée à la condition qu’ils officient selon les rites de l’Église réformée genevoise.

Lorsque Genève retrouve son indépendance en 1813 après 15 ans d’occupation napoléonienne, elle attire à nouveau de nombreux Anglais, des aristocrates faisant le Grand Tour[1], des étudiants et des commerçants. Le besoin d’un lieu de culte se fait à nouveau sentir tout comme le désir de célébrer selon les rites de l’Église anglicane. En 1814, le Conseil d’État donne son accord et met à disposition la chapelle de l’hôpital, place du Bourg de Four, qui est aujourd’hui le palais de justice.

Lors de la démolition des fortifications de la ville en 1849, James Fazy voulut faire un geste symbolisant son combat pour la liberté des cultes et son ouverture à la pluralité religieuse. Sur l’emplacement des anciennes murailles, il offrit des parcelles de terrain aux anglicans mais aussi aux catholiques, aux orthodoxes, aux juifs et aux francs-maçons pour qu’ils puissent y construire un lieu de culte. C’est ainsi que la Holy Trinity Church voit le jour en 1853. Les catholiques construisent l’Église Notre-Dame près de l’actuelle gare Cornavin (inaugurée en 1857), les orthodoxes, l’Église de l’Exaltation de la Sainte-Croix (Église russe près de la vieille ville, consacrée en 1866), les juifs édifient la synagogue du boulevard Saint-Georges (terminée en 1858), les francs-maçons élèvent leur « Temple Unique » aux abords de la plaine de Plainpalais (bâti en 1858), devenu en 1873 l’église catholique du Sacré-Cœur. Ainsi la ville nouvelle se trouvait ceinte non plus de remparts mais des sanctuaires de toutes les confessions présentes à Genève.

 

 

Sources :

OFFORD, Valérie, Genève, cité d’accueil, les protestants anglophones de 1555 à nos jours, catalogue d’exposition, Archives d’Etat, Genève, 2003.

OFFORD, Valérie, Brochure de présentation de la Holy Trinity Church, Geneva, 2012.

STEEL, Dyne, The history of the English Church in Geneva and the Geneva-English connection from 1555 to the present, Geneva, 1986.


 

[1] Le Grand Tour était un voyage que les jeunes gens des hautes sociétés européennes effectuaient pour parfaire leur éducation aux 17e et 18e siècles. Ils passaient par les Pays-Bas, l’Allemagne, la France, la Suisse, l’Italie, puis la Grèce et l’Asie Mineure.

Lieu de culte

Holy Trinity Church (l’église de la Sainte-Trinité) est construite sur le modèle des églises de campagne anglaises, dans le style néo-gothique. Elle a été consacrée en 1853 par l’évêque de Winchester. Longtemps, l’église ne compta qu’un seul vitrail, celui du chœur, réalisé par le célèbre atelier allemand Mayer de Munich et placé en 1884. Les autres sont l’œuvre du verrier Jacques Wasem à qui l’on doit les vitraux de nombreuses églises et temples de Genève. Ils furent réalisés dans les années 1960 et 1980. Près du chœur, une série de plaques commémoratives honorent la mémoire d’une trentaine de défunts. Cette pratique est une tradition ancienne dans les églises anglicanes.

Le bâtiment est classé monument historique depuis 1983.

Activités

La communauté anglicane de Genève rassemble environ 150 personnes (chiffre communiqué par la communauté) originaires de 25 pays (essentiellement du Royaume-Uni, d’Afrique anglophone, des Etats-Unis, d’Allemagne, de France et de Suisse). Elle s’est agrandie suite au développement des organisations internationales après la Seconde Guerre mondiale et compte aujourd’hui encore un grand nombre de fonctionnaires internationaux parmi les fidèles.

La musique tient une grande place dans la liturgie de l’Église anglicane. A Genève, la communauté compte quatre groupes dédiés à la pratique du chant. Trois chœurs accompagnent à tour de rôle les cultes dominicaux (trois offices par dimanche, alternant rite moderne, rite traditionnel, services plus informels et services pour les familles) : un chœur traditionnel, The Holy Trinity Choir, un chœur plus contemporain tourné vers le gospel, The Trinity Voices, et un chœur plus informel, The Holy Trinity Singers. Les jeunes ont aussi leur chorale et leur orchestre, The Junior Choir et The Geneva Jigs Orchestra, et peuvent se perfectionner au sein du chœur Voice for life pour ensuite passer des concours. Les enfants et adolescents participent également à des groupes d’étude biblique, en commun avec les jeunes de l’Emmanuel Church, l’Église épiscopalienne américaine, située à quelque 500 mètres de l’église anglicane.

Le comité Care and Concern récolte les fonds pour des œuvres d’entraide locales et internationales. Tous les mois une équipe prépare et sert un repas au Jardin de Montbrillant, une institution genevoise qui sert gratuitement des repas  aux personnes en situation de précarité.

La communauté anglicane de Genève fait partie du Rassemblement des Eglises et Communautés Chrétiennes de Genève (RECG).

L’anglicanisme

En 1534, Henri VIII se fait attribuer le titre de « chef suprême » de l’Église d’Angleterre (en latin Anglicana ecclesia) suite au refus du pape Clément VII d’annuler son mariage avec Catherine d’Aragon, privant de fait ce dernier de tout pouvoir de juridiction sur l’Église du pays. L’Église anglicane se forme donc pour des raisons politiques et non théologiques. Sous le règne d’Édouard VI (1547-1553), successeur d’Henri VIII, l’Église d’Angleterre est conquise à la Réforme mais à la mort de ce dernier, la reine Marie Tudor (1553-1558), fille d’Henri VIII et de Catherine d’Aragon, tente de rétablir le catholicisme et persécute les protestants. Certains viendront trouver refuge à Genève, d’autres iront à Bâle, Zurich, Strasbourg, Francfort, Emden ou Padoue. Ce n’est que sous le règne d’Élisabeth 1re (1558-1603), que l’anglicanisme trouve son identité propre, dans une position intermédiaire entre catholicisme et protestantisme. Du premier, elle conserve la structure ecclésiastique avec prêtres et évêques (mais en leur autorisant le mariage), du second, elle retient l’Écriture pour seule autorité, le baptême et la cène comme seuls sacrements. Un credo est adopté connu sous le nom des Trente-neuf articles. Le Prayer Book, le Livre de la Prière Commune consignant la liturgie de la nouvelle Église, définie sous Édouard VI (en 1549 puis 1552), est réédité.

Il existe depuis les débuts différentes sensibilités au sein de l’anglicanisme : la Low Church proche du protestantisme, marquée par le puritanisme et les mouvements de Réveil du 18e siècle (c’est aujourd’hui la tendance « évangélique » de l’Église); la High Church, proche du catholicisme, attachée à l’épiscopat, aux ornements liturgiques et aux traditions de l’Église ancienne, tout en refusant la tutelle de Rome; enfin, la broad church dans laquelle se situe la majorité des anglicans (on appelle aussi les tenants de ce courant les middle of the road).

Unies dans leur diversité, les différentes Églises anglicanes – toutes autonomes et présentes dans plus de 160 pays-, forment depuis 1867 la Communion anglicane qui rassemble tous les 10 ans la totalité des évêques anglicans du monde. L’archevêque de Canterbury (Angleterre) possède sur eux la primauté d’honneur.

La religiosité anglicane

Malgré la diversité des sensibilités au sein des Églises anglicanes (voir section précédente), celles-ci partagent les croyances suivantes, ainsi définies par la Communion anglicane (texte dit du « quadrilatère de Lambeth » -1888) :

  • La Bible (Ancien et Nouveau Testament), considérée comme l’instrument du salut et la norme en matière de foi.
  • Deux textes : le symbole de Nicée et le symbole des apôtres comme profession de foi.
  • Le baptême et « le repas du Seigneur » (la cène) comme seuls sacrements.
  • Les évêques, successeurs des apôtres, pour guider l’Église.

Les Trente-neuf articles, première tentative de définition de la foi anglicane, sont considérés aujourd’hui par la plupart des anglicans comme un texte historique et chaque Église de la Communion est libre de les inscrire dans son Prayer Book. Ce dernier en revanche est de première importance pour les anglicans qui considèrent que leur foi s’exprime davantage dans la liturgie, la pratique du culte, que par une profession de foi. Il existe deux textes liturgiques en usage dans les Églises anglicanes :

  • Le Prayer Book, Livre de la Prière Commune (dont le titre complet est Livre de la Prière commune et de l’administration des sacrements et autres rites et cérémonies de l’Église, d’après l’usage de l’Église d’Angleterre), dont la forme date de 1662. Il définit le rite traditionnel : les prières, la façon de célébrer les offices réguliers, les offices des fêtes, les sacrements, les rites pour la confirmation, le mariage, les funérailles.
  • Le Common worship, le culte commun, qui définit depuis 2000 le rite moderne.

Les anglicans ne prient en principe pas Marie ni les saints et il n’y a pas de processus de canonisation même si la Communion anglicane reconnaît un certain nombre de saints dont on conserve le souvenir comme des personnages exemplaires. Marie a gardé une place importante, des fêtes et des chants lui sont consacrés. Les ordres religieux, supprimés au 16e siècle, ont été réintroduits au 19e siècle.

Indications bibliographiques :

Sources académiques :

ARMOGATHE, Jean-Robert (dir.), Histoire générale du christianisme, éd PUF, Collection Quadrige, septembre 2010, 2 vol.

CHAPMAN, Mark, Anglicanism : a very short introduction, Oxford University Press, 2006.

GISEL, Pierre (dir.), Encyclopédie du protestantisme, Quadrige, PUF, Labor et Fides, 2006 (1ère éd. 1995).

LIVINGSTONE, E. A. (ed.), The Concise Oxford Dictionary of the Christian Church, Oxford University Press, 2006 (version online 2013).

MARTINEAU, Suzanne, Les Anglicans, Editions Brepols, 1996.

MOREAU, Jean-Paul, L’anglicanisme : ses origines, ses conflits : du schisme d’Henri VIII à la bataille de la Boyne, L’Harmattan, 2006

PATTE, Daniel (éd.), The Cambridge dictionary of Christianity, Cambridge University Press, 2010.

Sources anglicanes :

SPENCER, Stephen, SCM Study Guide to Anglicanism, SCM Press, 2010.

WILLIAMS, Rowan, Anglican Identities, Cowley Publications, 2004.

WINGATE, Andrew, WARD, Kevin, PEMBERTON, Carrie, SITSHEBO, Wilson, eds., Anglicanism, A Global Communion, Church Publishing, 2000.