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Histoire à Genève

 

Les premiers ahmadis arrivent en Suisse en 1946 et s’installent à Zurich où ils construisent en 1963 la mosquée Mahmud (l’une des quatre mosquées de Suisse possédant un minaret). C’est dans les années 1960 que les premiers ahmadis commencent à s’établir à Genève, principalement pour travailler à l’ONU et dans diverses organisations internationales. L’une des grandes figures de cette communauté fut le professeur Abdus Salam, prix Nobel en Physique qui travaillait au CERN à cette époque. Dans les années 1970, la communauté genevoise, avec l’arrivée de plusieurs autres familles ahmadies, commence à organiser des réunions et activités religieuses. Durant de nombreuses années, les membres de la communauté, qui compte aujourd’hui 14 familles, se sont réunis aux domiciles des fidèles. Depuis 1998, ils louent la salle de culte de la « maison quaker », à proximité du carrefour du Bouchet, située au Petit-Saconnex, à proximité de l’aéroport.

Sources :

Membres de la communauté

BEYELER Sarah, SUTER REICH Virginia, SÖKEFELD Martin, Muslimische Gemeinschaften und Inkorporationsregimes : ein Vergleich der Aḥmadi- und Alevi- Diaspora in der Schweiz, NFP 58, 2010.

 

Lieu de culte

 

La « maison quaker » est une maison appartenant à la Fondation quaker de Genève et abritant les bureaux du QUNO (le bureau quaker auprès des Nations Unies) et les activités cultuelles du groupe quaker de Genève. Située dans un quartier résidentiel proche du carrefour du Bouchet, la bâtisse date des années 1920 et a été achetée en 1972 par la Fondation. Celle-ci loue actuellement la salle de culte à cinq autres groupes religieux de différents courants (bouddhiste, hindou et ésotérique).

 

Activités

 

La plupart des membres de la Aḥmadiyya muslim jamâ‘at Geneva sont originaires du Pakistan mais la communauté compte aussi des Somaliens, des Marocains, des Syriens et des Nigériens, de sorte que l’on parle surtout anglais et français lors des réunions religieuses. Celles-ci se tiennent tous les mois à la maison quaker autour d’un enseignement moral et religieux. Les vendredis, jours de prière hebdomadaires des musulmans, les membres de la communauté se réunissent au domicile de l’un des membres.

Il existe 14 communautés ahmadies en Suisse, coordonnées par un responsable national. Chaque groupe compte des sous-groupes associant les fidèles par affinité d’âge et de genre. Il existe ainsi un groupe de jeunes filles, de jeunes garçons, un groupe de femmes et un groupe d’hommes qui se retrouvent pour des activités récréatives et religieuses.

Les ahmadis du monde entier participent chaque année à la jalsa salana, un rassemblement institué par le fondateur du mouvement, Mirzā Ghulām Aḥmad, et qui comprend des discussions, des conférences et des enseignements religieux. Elle a lieu dans les différents pays dans lesquels vivent les ahmadis.

 

L'ahmadisme

Le mouvement aḥmadiyya voit le jour à la fin du 19e siècle dans une petite ville du Pendjab nommée Qadian. A cette époque, l’Inde est une colonie britannique. Elle est le lieu d’une intense activité missionnaire chrétienne et de campagnes de dénigrement de l’islam orchestrées par certains mouvements hindous, comme le mouvement Arya Samaj. Le fondateur de la jamâ‘at-i Aḥmadiyya, Mirzā Ghulām Aḥmad, commence à se faire connaître en 1880 avec la publication de Barâhîn-i aḥmadiyya, ouvrage en cinq volumes dans lequel il prend la défense de l’islam. Il y annonce recevoir des messages divins.

En 1889, il se présente comme un réformateur (mujaddid) de l’islam et annonce qu’Allah lui commande de former une organisation (jamâ‘at). Il invite les croyants cherchant la « vérité », une « foi pure » et le chemin de Dieu, à lui faire allégeance (bay‘a). Un petit groupe de disciples se forme autour de lui et s’agrandit deux ans plus tard lorsqu’il affirme être le Mahdî, figure messianique de l’islam attendue à la fin des temps. Il se présentera peu à peu comme étant également le messie et un avatar de Krishna. En effet, selon lui, le messie ou réformateur attendu par les religions qui l’entourent[1] est une seule et même personne devant conduire l’humanité à une religion unique et universelle, à savoir l’islam, dont il est venu parfaire la révélation. Autant d’affirmations qui lui vaudront les foudres des musulmans, des chrétiens et des hindous.

A sa mort en 1908, le groupe élit un calife (khalifa signifie successeur) pour diriger la communauté. Lorsque celui-ci meurt en 1914, une minorité fait sécession en remettant en question l’institution du califat. Elle forme à Lahore un nouveau groupe appelé le « Mouvement Aḥmadi de Lahore pour la propagation de l’islam ». Contrairement au Mouvement Aḥmadiyya en islam, le groupe majoritaire, le mouvement de Lahore reconnaît Aḥmad comme un réformateur mais pas comme un prophète.

Le fait que le premier groupe voit en Aḥmad un prophète est le point qui pose le plus problème aux autres musulmans, pour lesquels Muhammad est « le sceau des prophètes » venant compléter la révélation abrahamique (c’est-à-dire la révélation du monothéisme dont les juifs, les chrétiens et les musulmans font remonter l’origine à Abraham). Cette croyance leur a valu, et leur vaut encore, des persécutions au Pakistan où ils ont été victimes de sérieux pogroms dès 1953. Leur situation dans le pays s’est considérablement dégradée en 1974 lorsque le premier ministre Zulfikar Ali Bhutto fit voter un amendement à la Constitution proclamant les ahmadis non-musulmans. Cet amendement sera complété en 1984 sous le président Zia-ul-Haq par un décret visant à interdire aux ahmadis de se présenter comme musulmans ou de se référer à l’islam. Il  leur est depuis interdit de se réunir et d’avoir des activités régulières sous peine de prison et punitions sévères. Ces décisions politiques furent suivies par la Ligue islamique mondiale, rendant leur séjour problématique dans nombres de pays musulmans où ils ont fait, et font toujours, l’objet de discriminations et de violences.

 

[1] Les juifs attendent un messie libérateur, vainqueur du mal et futur juge des âmes après la résurrection des corps ; les chrétiens ont reconnu en Jésus ce messie annoncé par la Bible hébraïque et attendent son retour à la fin des temps préalablement au jugement dernier ; il existe également chez les musulmans, sunnites comme chiites, l’attente d’un personnage appelé le mahdi et venant instaurer la paix, la justice et le bien à la fin des temps ; notons encore dans le bouddhisme mahayana (le courant dit du « Grand véhicule »), l’attente d’un bouddha du futur nommé Maitreya, et dans l’hindouisme l’idée que Vishnu se manifestera à nouveau (les épopées hindoues affirment qu’il l’a déjà fait sous la forme de Krishna) dans le futur par un avatar nommé Kalki.

La religiosité ahmadie

Les ahmadis partagent avec les autres musulmans la croyance en un Dieu unique, la reconnaissance des révélations faites aux prophètes bibliques et l’idée que chaque être humain devra rendre des comptes à Allah au jour du jugement dernier. Du point de vue de la pratique religieuse, ils respectent aussi les cinq piliers de l’islam : la shahada (la profession de foi – « il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu et Muhammad est son prophète »), la salat (la prière quotidienne cinq fois par jour), la zakat (l’aumône), le ṣawm (le jeûne du mois de Ramadan) et le hajj (le pèlerinage à la Mecque).

L’Aḥmadiyya jamâ‘at de Genève appartient au Mouvement Aḥmadiyya en islam. Celui-ci se présente comme sunnite mais, en désaccord avec les tenants de ce courant, accepte l’idée qu’il puisse y avoir après Muhammad d’autres prophètes. Dans les théories de Mirza Ghulam Aḥmad, en effet, il existe deux sortes de prophètes : ceux qui viennent instaurer une loi religieuse (comme Muhammad et Moïse) et fondent en conséquence une nouvelle religion et ceux qui viennent réformer et compléter la révélation des premiers. C’est à cette catégorie qu’Aḥmad s’est dit appartenir, s’affirmant par ailleurs comme le Mahdi et le Messie. Les ahmadis croient par ailleurs que Jésus a survécu à la croix et a continué à diffuser son message en Asie, mourant de vieillesse au Cachemire.

L’entrée dans la communauté est marquée par un serment d’allégeance, la bay‘a, organisé chaque année lors du rassemblement annuel qui a lieu en Grande-Bretagne.

Mirzā Ghulām Aḥmad a défendu le « jihad de la plume » plutôt que de « l’épée ». Aussi, les ahmadis insistent-ils souvent sur leur pacifisme.

 Indications bibliographiques :

Sources académiques :

“Ahmadiyya anjuman Ishaat Islam, Lahore” et “ Ahmadiyya Movement in Islam” dans : MELTON, Gordon J., BAUMANN, Martin (dir.), Religions of the world, a comprehensive encyclopedia of beliefs and practices, ABC Clio, 2002.

“Ahmadis” dans : ESPOSITO, John L. (ed.), The Oxford Dictionary of Islam, Oxford University Press, 2003.

CANTWELL, Smith, W., « Aḥmadiyya », dans : Bearman, J., Bianquis, Th. et alii (ed.), Encyclopédie de l’islam, Brill, 2011.

FRIEDMANN, Yahanan, Prophecy Continuous, Aspects of Ahmadî Religious Thought and Its Medieval Background, University of California Press, 1989.

VALENTINE, Simon Ross, Islam and the Ahmadiyya Jama’at, History, Belief, Practice, Columbia University Press, 2008.

Sources ahmadies  :

«A short sketch of the Ahmadiyya movement » dans : LEROUX, Ernest, Revue du monde musulman, février 1907, vol. 1, n°4, p. 535-576.